Lek fort, économie faible : seul l’euro comme unique monnaie peut protéger les entreprises albanaises
Une crise invisible qui détruit l’économie
L’Albanie est entrée dans une crise qui ne se voit pas à l’œil nu, qui ne se manifeste ni dans les rues par des protestations ni sur les écrans par des graphiques rouges alarmants. C’est une crise qui se déroule chaque jour dans les poches des entrepreneurs, dans les budgets des entreprises et dans les projets des jeunes qui considèrent l’émigration comme une solution.
Au cours des quatre dernières années, le taux de change euro/lek a changé de manière spectaculaire :
1er janvier 2021 → 1 € = 123,37 lek
3 octobre 2025 → 1 € = 96,78 lek
En seulement quatre ans, l’euro a perdu plus de 21,6 % de sa valeur. Ce n’est plus une statistique réservée aux manuels d’économie : c’est un impôt invisible prélevé chaque jour sur les entreprises qui travaillent en devises.
Les faits incontestables : tableau des pertes réelles
➡️ Pour chaque 1 million € encaissé, les entreprises reçoivent aujourd’hui 215 000 € de moins qu’en 2021, uniquement à cause du taux de change. Et cela sans compter la hausse des dépenses.
Deux coups qui détruisent les entreprises
1. Baisse des revenus en lek : chaque euro gagné vaut aujourd’hui 21 % de moins.
2. Hausse des coûts en lek :
– Les salaires ont augmenté, non seulement pour refléter l’inflation, mais aussi pour freiner l’émigration massive des travailleurs à l’étranger.
– Les cotisations sociales et les impôts ont augmenté, alourdissant encore davantage les charges.
– Les dépenses de marché (loyers, énergie, matériaux, transport) ont fortement augmenté.
C’est une équation froide : une entreprise réalise rarement plus de 15 à 20 % de bénéfice net sur son chiffre d’affaires brut. Avec une baisse des revenus de −21 % et la hausse des dépenses, le profit a disparu. Beaucoup d’entreprises fonctionnent désormais avec des pertes opérationnelles.
Ce n’est donc plus une question de gestion ou de stratégie. C’est une équation impossible.
Pourquoi ne pouvons-nous pas augmenter les prix ?
Beaucoup diront : « Augmentez vos prix en euros ». Mais ce n’est pas une solution.
Je prends ici l’exemple du tourisme dentaire, un domaine que je connais bien :
– La concurrence régionale est impitoyable : Zagreb, Budapest, Bucarest et Belgrade offrent des services similaires à des prix plus bas.
– Tirana n’est pas perçue comme un centre européen haut de gamme : les patients étrangers et les touristes s’attendent à des tarifs plus avantageux.
– L’élasticité de la demande : toute forte hausse des prix entraîne une baisse de la clientèle et une perte de parts de marché.
Ainsi, les entreprises albanaises sont prises au piège : elles ne peuvent pas augmenter leurs prix, mais elles perdent chaque jour de l’argent à cause du taux de change.
Première solution : l’euro comme monnaie nationale
L’Albanie ne peut pas continuer à détruire les secteurs les plus vitaux de son économie. La seule solution à long terme est d’abandonner le lek et de passer à l’euro comme unique monnaie nationale.
Les avantages sont clairs :
– Stabilité financière et monétaire – le taux de change ne sera plus un risque.
– Confiance des investisseurs – un marché stable et prévisible.
– Protection du tourisme et des exportations – en rétablissant la compétitivité.
– Possibilité de salaires plus élevés – les entreprises, libérées de la pression du taux de change, peuvent réellement augmenter les revenus des employés.
Deuxième solution (d’urgence) : intervention de la Banque d’Albanie
Si l’euroisation complète ne se fait pas immédiatement, il faut alors agir par des mesures monétaires rapides.
– Jusqu’en 2019, les banques de deuxième et troisième niveau détenaient 25 % de leurs réserves en devises étrangères comme réserve obligatoire.
– Après 2019, ce taux a été abaissé à 15 %, libérant une surabondance d’euros et provoquant un renforcement artificiel du lek.
– Dans la situation actuelle, rétablir le taux de 25 % ne suffit pas. Il doit être porté à 30 % afin de freiner l’excès d’offre de devises et de stabiliser le taux de change.
C’est un instrument simple et direct que la Banque d’Albanie peut et doit utiliser immédiatement.
Conclusion : entre l’action et l’effondrement, je ne resterais pas les bras croisés — je choisirais la première option mille fois.
Chaque jour qui passe, les entreprises albanaises perdent des revenus uniquement à cause du taux de change. Chaque mois, les salaires augmentent et les coûts grimpent. Chaque année, des centaines d’entreprises se dirigent silencieusement vers la faillite.
Aujourd’hui, l’Albanie fait face à un choix historique :
– Soit elle adopte l’euro comme seule monnaie et met définitivement fin à cet absurde déséquilibre monétaire.
– Soit la Banque d’Albanie intervient d’urgence avec des politiques fortes, en fixant les réserves de devises à un niveau de 30 %.
Toute autre alternative ne ferait que prolonger l’agonie.
L’euro est la seule arme contre l’effondrement.